Un arrêt de la Cour de cassation intéressant et récent, envoyé par un lecteur...
J'essaie de reconstituer ce qui a dû se passer (notez que je ne suis pas juriste et que je n'ai même aucun goût pour le droit - je puis donc me tromper).
Des agriculteurs ont suivi les recommandations des partisans de la fin du monopole de la Sécurité sociale, ont souscrit à une assurance santé privée et ont par conséquent refusé de payer leurs cotisations à la MSA, qui est la pompe à phynances ubuesque que le monde agricole doit subir en France.
Traînés en justice par la MSA, ils ont invoqué d'une part le droit européen, d'autre part l'absence de statuts de la MSA (on sait, et c'est un argument que ceux qui veulent quitter invoquent souvent, que les organismes tels que l'URSSAF, la MSA, les caisses de sécu, etc. sont des monstres juridiques et paraétatiques typiquement français, en général incapables de fournir leurs statuts, ce qui logiquement devrait les empêcher complètement d'aller en justice, puisqu'ils n'ont pas d'existence juridique).
La question préjudicielle est un moyen pour le justiciable de faire appel à une juridiction européenne quand un point de droit doit être réglé, en l'occurrence il s'agit ici de "la compatibilité du droit interne relatif à l'adhésion d'office et forcée aux MSA".
Dans le cas qui nous occupe, le tribunal avait rejeté cette demande (les juridictions françaises évitent à tout prix de faire appel aux juridictions européennes telles que la CJCE, car elles savent qu'elles risquent bien d'être démenties quant au prétendu "monopole" de la SS). Ce refus a été invalidé par la Cour de cassation pour des raisons de procédure, me semble-t-il.
Retour donc à la case départ. Peut-être aboutira-t-on enfin à la saisie de la CJCE, et à la reconnaissance de la fin du monopole de la Sécurité sociale, 15 ans après !! L'URSS a mis plus de 70 ans à s'effondrer, espérons que l'annexe française de l'URSS aura la vie moins dure.
Voici donc le texte de cet arrêt.
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Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 18 décembre 2008
N° de pourvoi: 08-11438
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Gillet (président), président
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Mutualité sociale agricole de Franche-Comté (la MSA) a engagé des poursuites de saisie immobilière contre M. et Mme X... pour le non-paiement de cotisations sociales ; que M. et Mme X... ont invoqué la nullité du commandement de saisie et demandé subsidiairement, d'une part, le renvoi pour interprétation des textes communautaires à la Cour de justice des Communautés européennes, d'autre part, un sursis à statuer jusqu'à décision de la juridiction administrative sur la validité des statuts de la MSA et sa capacité à agir ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer, alors, selon le moyen, que la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir devant la juridiction administrative sur la validité des statuts de la MSA et sa capacité à agir en justice, qui touche au droit d'action, peut être faite à titre subsidiaire et à toute hauteur de la procédure, si bien qu'en jugeant que cette demande aurait dû être faite à titre principal et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, la cour d'appel a faussement appliqué l'article 74 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 74 du code de procédure civile, l'exception tirée de l'existence d'une question préjudicielle, qui tend à suspendre le cours de la procédure jusqu'à la décision d'une autre juridiction, doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction administrative, présentée par M. et Mme X... à titre subsidiaire, était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 234 du Traité instituant la Communauté européenne et 74 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de saisine de la Cour de justice formée par M. et Mme X..., l'arrêt retient que cette demande aurait dû être présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle demande , qui tend au renvoi de l'affaire devant cette Cour pour interprétation des textes communautaires, peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de renvoi à la Cour de justice des communautés européennes, l'arrêt rendu le 28 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Mutualité sociale agricole de Franche-Comté aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la question préjudicielle relative à la compatibilité du droit interne régissant l'adhésion d'office et forcée aux Mutuelles Sociales Agricoles avec le droit communautaire ;
AUX MOTIFS QUE la question préjudicielle est présentée à titre subsidiaire par les appelants alors qu'elle devait l'être avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la demande de question préjudicielle au sujet de l'interprétation du droit communautaire, qui touche au fond du droit, peut être faite à titre subsidiaire, en cas de difficultés d'interprétation, et à toute hauteur de la procédure si bien qu'en jugeant que cette demande aurait dû être faite à titre principal et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, la Cour d'Appel a faussement appliqué l'article 74 du Code de Procédure Civile ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE les époux X... avaient demandé (conclusions, p. 6) à la Cour d'Appel que la Cour de Justice des Communautés Européennes soit saisie, à titre préjudiciel, de la question de la compatibilité du droit interne relatif à l'adhésion d'office et forcée aux Mutualités Sociales Agricoles, avec les règles de droit communautaire, au regard des principes communautaires régissant :
- la liberté d'assurance, y inclus en ce qui concerne les personnes morales de droit privé chargées d'une mission publique relevant de la sécurité sociale ;
-la liberté de chaque citoyen européen de choisir la couverture sociale de son choix auprès de l'assureur de son choix ;
-la liberté pour un citoyen français de s'assurer auprès d'un organisme d'un autre Etat membre ;
-les règles à respecter en cas de passation de marché public de services et les conséquences du non-respect des mêmes ;
qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir qu'il n'existerait pas, au jour de sa saisine, de difficultés sérieuses d'interprétation au sujet de la compatibilité du droit communautaire et du droit interne régissant les Mutualités Sociales Agricoles à cet égard, alors qu'il appartenait aux juges d'appliquer directement le droit communautaire, au besoin en n'appliquant pas les règles de droit interne contraires à celui-ci, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié de son refus de saisir la juridiction européenne d'une question préjudicielle, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 234 du Traité instituant la Communauté Européenne.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir par les juridictions administratives sur la validité des statuts de la MSA de FRANCHE-COMTE et sa capacité à agir en justice ;
AUX MOTIFS QUE la question préjudicielle est présentée à titre subsidiaire par les appelants alors qu'elle devait l'être avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir ;
ALORS QUE la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir devant les juridictions administratives sur la validité des statuts de la MSA et sa capacité à agir en justice, qui touche au droit d'action, peut être faite à titre subsidiaire et à toute hauteur de la procédure si bien qu'en jugeant que cette demande aurait dû être faite à titre principal et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, la Cour d'Appel a faussement appliqué l'article 74 du Code de Procédure Civile.
Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon du 28 novembre 2007
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1 commentaire:
Pour info, ce commentaire suite à un post de JP Chevallier :
"de l'effet à la cause il n'y a souvent qu'un pas...
de la sécu à l'insécurité sociale..."
Et l'article en lien "France/dette Sécu: quatre fois plus d'emprunts en 2009 qu'en 2008 (Cades)
Date: 13/01/2009"
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